DU CONFINEMENT POUR QU'ON NOUS FOOT LA PAIX par CYRIL BENASAR et LA PANDÉMIE MET KO LES BIEN-PENSANTS par JEROME BLANCHET-GRAVEL.

Plus de foot pendant deux mois

Je n’ai jamais aimé le football. Quand j’étais collégien, c’était plutôt un truc pour les blaireaux. Le footeux qui venait à l’école en survêtement avait à peu près autant la cote avec les filles que le matheux avec sa mallette, celui qui pouffait de rire quand il avait écrit elebese avec les chiffres à l’envers sur sa calculatrice. À l’époque, « intello » n’était pas une insulte et « sportif » pas un compliment. C’était avant que les racailles débarquent et personne ne se baladait alors dans la rue en survêtement, l’ancêtre du jogging. C’était la honte, on tenait absolument à se changer pour revenir à pied du gymnase au collège. On, c’est-à-dire tout le monde sauf les deux ou trois sportifs de la classe, ceux qui arboraient fièrement des maillots bariolés pour ressembler à leurs idoles Panini, ceux qui comme le chien de Pavlov, se mettaient à sautiller à la vue d’une baballe.

Vous comprendrez donc pourquoi aujourd’hui, le confinement me repose. Plus de foot pendant deux mois. Plus de coups de pied retournés dans la gueule des méchants au ciné certes, mais plus non plus en rediffusion à toute heure et sur toutes les chaînes afin que personne ne puisse échapper au but du jour. Finis les hymnes héroïques et martiaux pour annoncer l’arrivée sur le terrain d’une bande de tatoués coiffés comme des tantes en short et chaussettes montantes qui viennent défendre les couleurs de Castorama ou des monarchies pétrolières et terroristes. Terminé le chiqué des fiottes qui se roulent par terre en se tenant le tibia. Loin des regards les gouines crottées aux formes carrées et chaussures à crampons qui font des têtes, mouillent le maillot et crachent sur le gazon. Ajournés les journaux télévisés qui s’ouvrent sur le pet de travers de Neymar ou la tronche en biais de Ribéry, sur les putes des uns et les sex-tapes des autres. 

Je peux rallumer la télé

Pendant quelques semaines, on n’entendra plus sur toutes les chaînes, ces mots et ces expressions vulgaires qui me font éteindre rageusement mon poste en temps normal : le “mercato”, les transferts, les sélectionneurs et les entraineurs, les “droits télé” et la FIFA, les rencontres amicales et les matchs retour, le “Ballon d’or” et le hors-jeu, la surface de réparation et la lucarne, le lobe et le corner, Mbappé et le PSG, N’Golo et Monaco. Pour une fois dans l’histoire mondiale du vingtième siècle, comme en temps de vraie guerre, on va nous foutre la paix avec les matchs et les Coupes, de France, d’Europe et du monde, et on épargnera tout ce bordel incompréhensible à qui se contrefout de la relégation de la Champions League en ligue D2 de la coupe d’Europe des clubs champions. Enfin, on mettra au pot la poule A, la poule B, tous les poussins et on fermera le couvercle jusqu’à la fin du confinement.

Provisoirement, mais sûrement, tant que le virus sévira, on vivra au pays des droits de l’homme à ne pas être dérangé constamment par le vacarme des supporters du ballon rond. Profitons-en, ça ne durera pas.

La pandémie met KO les bien-pensants

Il est devenu banal de dire que le monde ne sera plus jamais le même après la crise du Covid-19. Le monde n’est en fait déjà plus pareil avec le retour forcé des États: l’Occident repense sa relation avec le reste de la planète, en particulier avec la Chine dont les mensonges sont de plus en plus évidents. Les frontières se sont réimposées avec un naturel déconcertant, la mondialisation est pointée du doigt et d’aucuns voient poétiquement dans la crise une revanche de la nature sur l’humanité dominatrice. Les repères des individus ont été complètement chamboulés, de même que ceux de leurs dirigeants dont le pouvoir augmente à vue d’œil de manière inquiétante.


Mais la plus grande perdante sera sans doute la gauche bien-pensante dont les lubies apparaissent comme de plus en plus futiles et insignifiantes. Ces dernières années, la nouvelle gauche a battu des records de déconnexion avec la population, allant jusqu’à faire des toilettes «non genrées» un véritable idéal politique. En liguant un vaste ensemble de groupes les uns contre les autres, ce courant est même parvenu à mettre en péril la cohésion sociale, plus que jamais nécessaire en temps de crise. Paradoxalement, la gauche bien-pensante a développé une philosophie à la fois hyper-individualiste et communautariste très nocive pour le vivre-ensemble, une sorte de je-me-moi à saveur identitaire et clanique. Avec le Covid-19, le temps est à l’union des forces, et non à la division de la société en tribus ethniques, culturelles, religieuses et sexuelles.

La crise économique qui suivra la pandémie devrait aussi contribuer au retour du bon sens, de la sagesse populaire dans nos sociétés engluées dans le superflu. Une certaine gauche n’a cessé de prôner la décroissance économique, mais sans réaliser que ses propres projets étaient au fond des caprices que les gauches étrangères n’ont jamais pu ni même voulu s’offrir par respect pour le peuple. Les pauvres de ce monde pensent à manger tout court avant de manger végan. Ils pensent à se déplacer tout court avant de calculer leur empreinte carbone. Ils pensent à assurer leur sécurité et celle de leurs enfants avant d’instaurer des «safe spaces» dans des universités que ceux-ci ne pourront jamais fréquenter. Ils rêvent de rénover leurs écoles avant d’y installer des vestiaires unisexes. La nouvelle gauche s’est crue modeste en arborant ses diamants progressistes. Elle doit son existence à une immense qualité de vie qui risque fortement de s’évaporer. 


Après le crash, la bien-pensance perdra ses privilèges 

Même au Canada, il est loin d’être certain que la nouvelle gauche pourra poursuivre ses activités comme si rien n’avait changé. Dans ce laboratoire de la mondialisation heureuse, jamais les «progressistes» n’auraient pu parvenir à exercer un tel pouvoir sans les énormes fonds publics dont ils ont bénéficié. Encore à l’heure actuelle, des centaines de chercheurs universitaires y profitent de généreuses bourses consacrées à la promotion du multiculturalisme, du féminisme «intersectionnel» et d’une infinie variété d’autres utopies extravagantes. Comment justifier le financement de ces idéologues dans les mois, voire les années à venir? Ces sommes devront être redirigées vers la recherche en santé publique à défaut de ne pas être économisées par un État en faillite.

 

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