Le bob se glisse dans la poche de votre bermuda ou dans votre cabas. En toutes circonstances, il garde sa forme informe, son inimitable froissé.
Pour les hommes, le choix du couvre-chef en dit long sur leur psychologie profonde. Sur une certaine façon d’appréhender la vie en société. Sur une manière de draguer et même de penser. Des modes viennent parfois parasiter les élégances usuelles. Ces dernières années, le panama s’est imposé comme le nouvel accessoire masculin de l’été, un attribut de la virilité urbaine au même titre que la barbe de trois jours et les sneakers au pied. Un étendard grégaire et passe-partout. Une panoplie servile et transparente. Le panama a le même effet que le soutien-gorge pigeonnant, il trahit les vrais sentiments.
Au lieu de distinguer, cet ersatz relègue son propriétaire dans une zone nuageuse, à la limite du ringard et du risible. Le vendeur de téléphonie le porte en espérant se faire passer pour un propriétaire terrien. Le professeur de collège singe le marquis de Vargas Llosa. Et le député En marche se prend pour sir Winston Churchill. La pampa se mue en Bérézina. C’est dire si l’usurpation d’identité est ratée. Panama, casquette, melon ou béret, l’habit ne fait pas l’idoine. Tout le monde veut avoir l’air de ce qu’il n’est pas. Le bourgeois se grime en poulbot. La caillera en Julio Iglesias. L’intello en métallo. La peur du conformisme aboutit à une uniformité des genres et des pratiques. Un jeu de rôles qui ne dupe personne mais a l’avantage de distraire sur la plage ou au bal du 14 juillet. Les colonnes de retraités en panama amusent autant que les pétards mouillés, le soir du feu d’artifice. En vacances, évitez donc les déguisements tropicaux pour les marchés bio.
En dehors de son côté pratique, pliable à l’envi, modulable comme un monospace sept places, il se glisse dans la poche de votre bermuda ou dans votre cabas. En toutes circonstances, il garde sa forme informe, son inimitable froissé. Il n’est pas démodé car son intemporalité le range parmi les classiques de l’été. Il y a en lui une insoupçonnable langueur érotique. Il transgresse les classes sociales. Son œcuménisme dérange. Par principe, certains refusent de l’essayer, peur du ridicule ou soumission à une société de l’image. Le bob demande du courage et de l’abandon. Pourtant dès que vous l’avez installé sur le sommet de votre tête, il la moule à la perfection, il s’accommode de toutes les coupes de cheveux. Aussi à l’aise avec le chauve que le rasta, il surmonte tous les handicaps capillaires. Ce caméléon ne craint aucune particularité physique.
Avec lui, vous redevenez désirable, tout en conservant une part de mystère. Vous vous transformez en inconnu des buvettes. Tantôt mystique ou étrange, il complète une tenue avec cette touche d’indéfinissable charme français. En short ou en smoking, il surprendra. À Cannes ou Palavas, il séduira. Les jeunes femmes loueront votre audace et votre sens de l’humour. Elles ne sauront dans quelle case vous ranger. Un garçon qui s’affiche en bob avance sans œillères. Il se moque du qu’en-dira-t-on, il protège seulement son crâne en laissant sa personnalité s’exprimer.
ET LA MISS CAMPING S'APPELLE ...
On ne dira jamais assez combien la beauté est très inéquitablement distribuée sur Terre. Alors que l’intelligence, si surfaite, est à la portée de n’importe quel « chien coiffé » selon l’expression qu’employait jadis mon père pour qualifier indifféremment un parvenu, un goujat, un prétentieux ou un emmerdeur. Les gens intelligents courent les rues, ils encombrent le poste de télé ou les administrations. Personne n’est à l’abri de leur pouvoir de nuisance. Ils sont partout comme le douanier de Fernand Raynaud, une race bavarde, sentencieuse et irritante.
Posséder quelques diplômes et un avis sur tout est une qualité bien commune de nos jours. S’ils n’étaient pas si nombreux, on pourrait les ignorer. Mais ce phénomène dit du « boulard » ou du « sombrero » semble inéluctable comme l’abstention aux élections et l’épilation intégrale au laser. Quand arrivent les mois de juillet et d’août, on souffle enfin.
C’est l’amour à la plage…
Les vraies valeurs reprennent possession des êtres. Les hiérarchies immuables explosent aux yeux. L’été, les rapports humains ne sont plus soumis aux fadaises du diplôme, du poste élevé, du vernis social, de toute cette mascarade pyramidale. Tout ça éclabousse. Tout ça s’écrase comme un château de sable. Il ne reste plus qu’un critère essentiel et fondamental : la beauté des corps huilés.En dehors de votre aspect visuel, vous n’existez pas sur la plage. Anonymes, vous redevenez poussière. Toutes ces intelligences qui ont péroré l’année durant doivent affronter le regard des autres et, par chance, se taire. Pour une fois, les mots leur manquent, leurs abdos parlent pour eux. Ce qu’ils nous disent n’est pas joli à entendre. Les Anciens, Grecs, Romains, Étrusques et Alain Bernardin l’avaient compris. Ils plaçaient la beauté au sommet de leur échelle personnelle. Ils la chérissaient et la vénéraient comme un cadeau venu du ciel. Un bien aussi précieux qui avait le goût d’une promesse d’éternité. La beauté nous dépasse et nous foudroie par sa fulgurance. À côté, l’intelligence paraît une chose sans intérêt, tellement banale et futile. Cette aristocratie des corps presque parfaits est injuste par nature et suffocante par essence. Elle irradie et désespère à la fois. Implacable, elle ne demande aucune justification. Elle ne s’analyse pas. Elle impose une tyrannie douce dans laquelle hommes et femmes plongent sans discernement.
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