BORIS VIAN, J'IRAI CHANTER SUR SA TOMBE et LE MAILLOT JAUNE A CENT ANS par TH. MORALES

Soixante ans après sa mort, le prince de Saint-Germain-des-Prés est le héros d’une biographie ensorceleuse signée Valère-Marie Marchand : Boris Vian, le sourire créateur.


Il suffit de prononcer son nom pour que la rive gauche mélancolise à tout-va. D’un souffle de trompette, le mythe ricoche sur les trottoirs, de la rue Dauphine à la rue Saint-Benoît, des canulars aux caves de jazz. Figure apostolique du quartier, puissance créatrice démiurgique de l’après-guerre, l’ombre de Boris Vian nous poursuit toujours à notre époque si désabusée. Des studios aux maisons d’édition, des music-halls lumineux aux garages graisseux, il était la partition, le livre, la toile et l’établi. Vian, l’équilibriste qui, toute sa vie aura dompté une mort programmée, a joué dans les interstices étranges.
Le détournement était son moteur. La farce, sa politesse du désespoir. Et cette énergie outrancière, une manière de braver le destin, d’exulter enfin. Tantôt alchimiste du vocabulaire, tantôt mécano du staccato, son swing intérieur, instable et fragile, demeure une météorite enchantée dans ces années 50, pleines de doutes et d’appétits. Son nom évoque la lueur tamisée d’une estrade, l’existentialisme enfumé des bistrots, des filles au regard sombre portant des robes légères et l’appel du Sud. Le port de Saint-Tropez n’était pas encore devenu la plaque tournante des égos. Disparu le 23 juin 1959, à moins de quarante ans, Vian le charmeur ténébreux continue d’inspirer, d’intriguer, d’agacer et d’éblouir par la réunion de tant de talents sur une même personne. Une singularité comme l’on en rencontre tous les demi-siècles, le flair inné, la sensibilité adolescente, l’émotion contenue, l’imaginaire débridé et ce parfum de nostalgie qui emporte tout dans son sillage. Finalement, nous le connaissions si peu, ce Centralien chantant.

Cette année, le Tour de France célèbre les cent ans du maillot jaune et Christian Laborde, grand braquet de la littérature sportive publie son indispensable abécédaire. Pour l’été, Thomas Morales jette aussi son dévolu sur les livres d’Olivier Schefer et Roger Jouan.


Les vacances pointent à l’horizon. Haro sur les écrans ! Cet été, laissez tomber votre smartphone. Le vacarme de la Fête de la musique est un signal d’alarme. Il est annonciateur de grosses chaleurs et de cacophonie. Loin des turpitudes du monde moderne, un livre, aussi modeste soit-il, peut vous extraire de votre apathie. Et vous faire oublier ce premier semestre aussi long et éreintant que la ligne droite des Hunaudières. Cette sélection reflète assez fidèlement l’état de santé du pays, tour à tour, nostalgique, sombre, méditatif, poétique ou vindicatif.

Laborde, enchanteur de la grande boucle

A quoi reconnait-on un livre d’écrivain ? Il a du jus, du nerf, de la profondeur historique, de la mauvaise foi et de la dérision. Il s’emballe parfois en plaine et puis, une douce mélancolie vient écorcher nos genoux, égratigner notre mémoire à l’abord des premiers cols. Il est nerveux dans les échappées mais sait aussi se laisser dandiner, à la fainéante, sur nos belles départementales. Cette année, le Tour de France célèbre les cent ans du maillot jaune et Christian Laborde, grand braquet de la littérature sportive publie son indispensable abécédaire. Encore un dictionnaire, me direz-vous, cette manie française de tout classer et compartimenter, c’est sans compter le génie de la formule de Laborde, dompteur de mots et enlumineur de notre patrimoine. Avec lui, le Tour ne se limite pas aux exploits sportifs, il est le réceptacle vibrant de notre nation, une part de notre identité. Les flonflons et la sueur. Les drames et le panache. Les souvenirs et la course. Son dictionnaire est taquin, érudit et flamboyant. On passe de Léon Bloy à Blondin, de Fignon à Abdelkader Zaaf, de Nougaro à Nucéra, on pioche, on s’amuse, on a les jambes qui frétillent et l’envie de dépoussiérer ce vieux Motobécane qui sommeille depuis trente ans dans une grange à la campagne.

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