Le bateau ivre de Rimbaud. Je ne reconnais plus mon pays

’Le bateau ivre’’(1871)Poème de RIMBAUD 

Comme je descendais des Fleuves impassibles, 

Je ne me sentis plus guidé par les haleurs : 

Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, 

Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. 

J'étais insoucieux de tous les équipages, 

Porteur de blés flamands ou de cotons anglais. 

Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,

 Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

 Dans les clapotements furieux des marées, 

Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants 

Je courus ! Et les Péninsules démarrées 

N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.

La tempête a béni mes éveils maritimes.

 Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flots1

 Qu'on appelle rouleurs éternels de victimes, 

Dix nuits, sans regretter l'œil niais des falots !

 

Bienvenue dans l’enfer vert

Maires écolos: le coup de gueule de Robert Ménard

 

De Lyon à Grenoble, en passant par Bordeaux, les nouveaux élus écolos s’en prennent aux coutumes et traditions si chères aux Français. Pour le maire de Béziers, ce mépris du peuple et ces clowneries auront pour seul effet de décrédibiliser la fonction d’élu local, et, malgré son succès électoral récent, l’écologie elle-même.


Je vais être honnête avec vous : je crois que nous avons passé un cap. Je pense que nous avons tourné une page de notre histoire. Et que, dans les bouquins d’histoire justement, ceux qui seront écrits dans cinquante ans, on retiendra cette date : le jeudi 10 septembre 2020, le jour où tout a basculé. Le jour où un abîme d’imbécillité s’est ouvert sous nos pieds. Le jour où Pierre Hurmic, maire de Bordeaux, a décidé de supprimer le sapin de Noël.

Il a fallu que cela arrive en 2020, une année bizarre. L’année des masques, l’année où celui des maires écolos est tombé. Quelques mois après leur élection, on voit enfin à qui on a affaire. Au moins, avec les maires socialos ou cocos d’antan, c’était Balzac et La Comédie humaine. Avec les nouveaux maires écolos, c’est San-Antonio. On est avec Béru chez les fous.

Nous savons qu’ils sont l’extrême gauche haineuse, antifrançaise, antihumaine qui s’est grossièrement badigeonnée de vert. Mais attention, la peinture s’écaille

Chaque jour ou presque, Twitter s’enflamme dès qu’un « kmaire vert » lance un oukaze. Dans ce happening permanent, la raison vacille. Partout où ils sont au pouvoir, il faut se pincer pour y croire. À Lyon, ils introduisent dès le premier conseil municipal l’écriture inclusive, cette diablerie d’idéologue en fin de vie. Dans la même ville, ils refusent d’accueillir le Tour de France sous prétexte de machisme et snobent le Vœu des Échevins ! Plus au sud, à Grenoble, les cours de récré sont désormais « non genrées » et, à Bordeaux, clou du spectacle, le sapin de Noël est devenu « un arbre mort » à interdire. Une géographie du délire. Une grande carte dépliée où la tache verte a dégouliné dans le relief, où les fleuves charrient des pensées vénéneuses. Comment les électeurs ont-ils pu signer ce pacte avec l’hôpital psychiatrique ? Je veux bien que le public des « métropoles », ce soit la France d’après, mais je n’arrive pas à m’y faire. Ou alors il y a eu lobotomie ?

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Mais cette euphorie verdâtre est sans doute un trompe-l’œil. Selon moi, malgré ce vent en poupe électoral, l’écologie est en phase terminale. Hurmic et ses collègues n’en sont que les métastases aux sourires tristes. Ça ronge depuis longtemps le corps de la nation.

 

" Je ne reconnais plus mon pays. Il y souffle un vent mauvais, un vent de colères, de divisions, d'antagonismes. Il arase ces digues que l'on nomme respect de l'autre, estime de soi, bienséance, civilité, et qu'une haute civilisation construit et reconstruit patiemment pour canaliser les pulsions et les passions humaines. Il attise un feu de violence et de haine qui couve sous la cendre d'une crise économique, sociale, identitaire aux conséquences profondément délétères sur la cohésion de notre société.

Comment vivre ensemble, comment se sentir solidaires, comment partager, si la détestation s'immisce dans tous les rouages de la société, dans toutes les relations, si elle transpire dans toutes les attitudes, dans tous les comportements ? Comment croire que la légitimité de nos institutions, de nos lois, la solidité de notre démocratie ne s'en trouveraient pas dangereusement affaiblies ?

Je ne reconnais plus mon pays. À qui la faute ?
 
Quand souffle ce vent mauvais qui précède toujours les grandes catastrophes de l'histoire, c'est à chacun de prendre davantage sur lui-même pour ne pas nourrir les antagonismes, ne pas creuser les fractures, pour apaiser, réconcilier. Chacun a sa part de responsabilité. Elle est d'autant plus grande que l'on occupe dans la société un rang plus élevé, que l'on y exerce un pouvoir plus important.

La démesure est le risque de tout pouvoir. Elle commence quand un pouvoir ne se pose plus la question de sa propre limite, ne s'interroge plus sur les conséquences de ses actes. Un pouvoir sans mesure est un pouvoir qui ne s'interroge jamais pour savoir jusqu'où il ne doit pas aller trop loin vis-à-vis de ceux qui sont en désaccord avec lui, un pouvoir qui n'a conscience que de ses droits et pas de ses devoirs.
 
Je l'ai dit jadis sous une autre majorité : chercher à dresser les Français, les uns contre les autres, conduit à la défaite morale et la défaite morale est toujours l'antichambre de la défaite politique. Depuis la Seconde Guerre mondiale, on n'a jamais vu la France aussi divisée et la radicalisation des idées et des comportements autant exacerbée par une entreprise de destruction sans précédent de toutes les institutions et les principes qui nous permettent de vivre ensemble. Ceux qui attisent ainsi les braises qu'ils avaient si solennellement promis d'éteindre doivent être conscients qu'en mettant le feu, ils se brûleront aussi.

Je ne reconnais pas mon pays, ma France. Passionnée, emportée, mais pétrie d'humanisme et de valeurs universelles. Ou plutôt je reconnais dans le visage qu'elle prend, aujourd'hui, celui des mauvais jours, des déchirures et des drames, quand elle n'est plus elle-même, quand elle perd son âme.

La politique n'est pas seule en cause. Nous vivons une époque dangereuse où presque tous les pouvoirs semblent oublier leurs devoirs. Qui ne voit avec consternation et angoisse une certaine dérive de la justice telle qu'elle s'est affichée sur le « mur des cons » , ou telle qu'elle se montre dans la tentation, mortelle pour la Démocratie et la République, de faire trancher les questions politiques par les juges ?

Mais le temps est venu de mettre au pied du mur de ses responsabilités un autre pouvoir, aussi important pour une société de liberté que celui du Parlement, ou des juges. Je veux parler du pouvoir des médias. La société leur confie un pouvoir considérable et le protège.

Mais il y a des limites à tout. Ou plutôt, il faut mettre des limites à tout. Ne pas tout accepter, ne pas tout supporter, ne pas tout endurer, et s'empêcher soi-même de franchir certaines bornes : l'homme libre, l'homme digne, est un homme qui est capable de dire non. 

L'autre soir, sur ce plateau de télévision, où l'on m'avait invité pour parler de la politique familiale, l'interlocuteur que l'on m'avait choisi n'avait qu'un but, avec la complicité au moins passive des animateurs : faire un débat homosexuel contre hétérosexuel. Ce débat je le récuse, je l'ai toujours récusé, de toutes mes forces. Il est porteur du pire. Je passe sur le mépris, l'impolitesse, la caricature, j'ai l'habitude. Que mon interlocuteur fasse de la cause qu'il prétend défendre un fonds de commerce et qu'il l'abaisse à ce point, après tout c'est son problème même si c'est détestable. Mais accepter les termes de ce débat, supporter que le débat politique soit si profondément dénaturé, entraîné sur des voies si dangereuses où les orientations sexuelles, la couleur de la peau ou les religions deviennent des catégories politiques, ce n'était pas possible. 
 
Non, ce n'était pas possible. Ce n'était intellectuellement, moralement pas possible. Je suis parti. Que faire d'autre ?

Beaucoup de Français qui n'en peuvent plus du climat de notre vie publique m'ont approuvé. D'autres ont condamné mon geste. C'est la loi du genre. On ne peut pas être d'accord avec tout le monde. Mon inquiétude est ailleurs : ceux qui dans des émissions grand public, dès le lendemain, m'ont traîné dans la boue parce que j'avais osé dire « ça suffit ! » , ceux-là se rendent-ils compte à quel point est dangereuse la mise en scène de ce genre d'affrontement qui nourrit les pires antagonismes ?

J'ai envie de leur dire : avez-vous conscience que vous jouez avec le feu ? Avez-vous conscience que vous avez aussi une responsabilité dans le vent mauvais qui souffle sur la France, que vous avez aussi des devoirs et pas seulement des droits ? Même vous, oui, même vous ! Vous d'abord qui êtes les garants du pluralisme démocratique ! Vous qui avez ce privilège de pouvoir tous les jours parler à tous les Français !

Quand viendra, à force de souffler sur les braises, le temps de la violence et de la haine, croyez-vous que vous pourrez dire : « Nous n'y sommes pour rien » ?

Souvenez-vous que ce ne sont pas les prophètes de malheur qui sont responsables des grandes catastrophes mais ceux qui ricanent cyniquement quand tous les éléments du drame se mettent en place. Parce qu'ils ont laissé faire...

Je ne reconnais plus mon pays et vous y êtes aussi pour quelque chose."

  

 

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