LOUIS DE FUNES CONTRE LILIAM THURAM par AURELIEN MARQ - PSG/ISTANBUL BASAKSEHIR, UN MATCH ENGAGÉ par FR. CRUDO et IL Y A ERREUR SUR L'ERREUR ou COMMENT VOIR DU RACISME LA OU IL Y EN A PASpar DENIS MENNEUSE

 

Réduire des centaines de milliers de prolétaires à leur seule couleur de peau pour les dénigrer. Voilà bien une chose qu’aucun Blanc ne pourrait faire.

Mais à la réflexion, est-ce vraiment un privilège ? Car les mêmes n’hésiteraient pas à traiter de « bounty », « nègre de maison », « arabe de service » et autre « native informant » un racisé qui oserait exprimer un avis différent de celui que promeut leur soi-disant « progressisme ». Ils n’applaudissent Thuram que parce qu’il dit et pense ce qu’il est à la mode pour les Noirs de dire et de penser – du moins selon eux.

Julien Bayou échappe au lynchage racialiste

On ne dira jamais assez à quel point sont malsains ces gens pour qui un « racisé » doit nécessairement être obsédé par sa propre couleur de peau, et ne voir les autres humains qu’à travers ce seul prisme.

Ainsi de Julien Bayou d’EELV, si lâche, si empressé, si servile devant la première activiste « afro-féministe » venue prétendant que sa couleur de peau lui donnerait le droit de décider arbitrairement des emplois légitimes du mot « lynchage ». Au mépris de toute vérité historique évidemment, gageons d’ailleurs que cette donneuse de leçons n’a jamais pris la peine de s’intéresser à la vie de Charles Lynch.

Mais ne leur en déplaise, nous sommes en France. Et notre langue n’a pas pour but de satisfaire les caprices des minorités hurlantes, mais de permettre la clarté de la communication, l’échange, le partage des idées et le débat. Fixer son bon usage et arbitrer le sens de ses mots, préambules indispensables pour se comprendre – y compris lorsqu’il s’agit d’exprimer un désaccord et d’argumenter pour donner tort à l’autre – relève de l’Académie Française, et d’elle seule. Telle est sa mission, voulue par le Cardinal de Richelieu : « donner des règles certaines à notre langue et la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences. »

Et cela dit beaucoup de choses de ce qu’est la France, de ce qu’est l’identité française, que de constater que sous la coupole de l’Institut il n’est pas question de couleur de peau ni d’origines, mais de culture, de talent, de travail, de rigueur.

La culture contre la race

Car à qui avons-nous confié les clefs de notre langue ? À François Cheng, né Chinois à Nanchang. À Dany Laferrière, né Haïtien à Port-au-Prince. À Hélène Carrère d’Encausse, née à Paris d’un père Géorgien et d’une mère Germano-Russe. À Alain Finkielkraut, que les lecteurs de Causeur connaissent bien et que j’ai eu le plaisir d’avoir jadis comme professeur, né à Paris d’un couple de réfugiés Juifs Polonais. Et avant eux à Léopold Sédar Senghor, dont on sait la destinée, et à l’immense Jacqueline de Romilly à qui je dois de connaître cette phrase magnifique d’Isocrate : « Notre cité a fait employer le nom de Grecs non plus comme celui de la race, mais comme celui de la culture. » En cela au moins, nous pouvons dire avec fierté que notre France est une digne élève de l’antique Athènes.

Ne laissons pas les obsessions médiocres de certains effacer notre histoire : nous avons des députés Noirs depuis 1793, et en 1955 quand de l’autre côté de l’Atlantique Rosa Parks n’était pas libre de s’asseoir dans un bus, ici Gaston Monnerville était président du Conseil de la République depuis près de 10 ans.

Antiracisme dévoyé

Au soi-disant « antiracisme » des obsédés de la race, de ces êtres à ce point dénués de profondeur qu’ils sont incapables de voir plus loin que l’épaisseur de l’épiderme, de ces faux intellectuels qui prétendent comprendre le monde en mettant dans la même catégorie Charles de Gaulle et Adolf Hitler parce qu’ils sont Blancs, et dans une autre Denis Mukwege et Youssouf Fofana parce qu’ils sont Noirs, nous devons

sans faiblir opposer notre antiracisme à la française.

Il n’est pas à la mode, il n’a pas la gloriole de faire les gros titres des publications américaines, mais c’est le seul valable. C’est celui qui met ensemble le Général de Gaulle et le Docteur Mukwege parce que ce sont des types bien, et qui associe Hitler et Fofana parce que ce sont des ordures – et que par rapport à ces critères fort simples, leurs couleurs de peau respectives n’ont pas la plus petite espèce d’importance.

Le Monde chante les louanges de Thuram ? Fort bien. Ma France n’est pas la leur, et qu’ils me traitent de beauf autant qu’ils le voudront, je proclame sans honte que mon antiracisme est celui de Louis de Funès et de Rabbi Jacob, avec son schtreimel et son « blackface » devant l’église de Montjavoult. À leurs théories pompeuses qui se gargarisent d’une complexité de façade pour tenter de masquer leur vacuité, je préfère deux mots, deux mots très brefs qui valent infiniment mieux que toutes les grandes phrases et toutes les longues ratiocinations de Rokhaya Diallo ou Angela Davis.

Ces deux mots, ce sont ceux du gendarme (Clément Michu) à qui Victor Pivert (De Funès) fait remarquer que la mariée est Noire, et qui répond tout simplement : « Et alors ? »

 

Le jour où des hommes de principe à crampons ont dit non au racisme…


Mardi soir, j’ai vu un match de foot qui, paraît-il, va rentrer dans l’histoire. Manque de bol, ma télé déconnait et les images étaient en noir et blanc. Heureusement, le spectacle était au rendez-vous et le match engagé, mais pour la bonne cause, la seule qui semble valoir de nos jours : la lutte pour le raci… pardon contre le racisme. C’est vrai quoi, parfois on ne sait plus trop ce qu’il faut dire. C’est comme pour SOS Racisme. Faut-il étymologiquement le prendre au premier ou au second degré, s’agit-il de porter secours au racisme ou de le combattre ? Comme disait Gainsbourg, qui serait aujourd’hui passible du Tribunal de Nuremberg s’il n’avait pas cassé sa pipe trop tôt : « Doit-on dire un noir ou un homme de couleur ? Parce que tout ceci n’est pas clair. » Bon bref, je vous fais un résumé de la rencontre.

Sanitairement correct

Mardi 8 décembre 2020, retenez-bien cette date. Il est 21h, le coup d’envoi est donné pour ce match de Ligue des champions sanitairement correct et donc à huis-clos, tant pis pour l’ambiance. Tout le brouhaha et le folklore habituel a généralement un mérite, celui de passer le temps durant les innombrables temps morts parce qu’il faut bien le dire, à quelques actions près, on s’emmerde le plus souvent à regarder 22 types piétiner un ballon (et pas que) pendant 90 minutes, surtout depuis l’arrêt Bosman. Mais c’est un autre sujet. Et il faut positiver. Avec des tribunes vides, pas de oh-hisse enculé, de cris de singes, d’insultes à l’arbitre, de sifflets, d’invectives… mais un retour à une certaine pureté originelle et à la grande fraternité humaine que doit incarner le sport, et patati et patata.

Sur la pelouse, un journaliste apporte une précision bien dérisoire: l’arbitre roumain a dit « le noir » et non pas « le nègre », noir se disant negru dans les Carpates. Peu importe, sus au racisme et au raciste

21h13, c’est le drame. Un arbitre roumain parle en roumain à un autre arbitre roumain pour se plaindre du comportement d’un membre de l’équipe turque sur le banc: « Le noir (negru, dans la langue de Ceaucescu) qui est là, allez vérifier qui c’est, ce n’est pas possible de se comporter comme ça. » Demba Ba, un joueur franco-sénégalais de l’équipe byzantine, sensible à l’amour du maillot puisqu’il a déjà connu dix clubs différents (merci Bosman) au cours d’une carrière en tout point exemplaire, sort de son banc et de ses gonds et plaque presque sa tête – tant pis pour la distanciation sociale – contre l’homme en noir, ou plutôt en jaune ce soir-là, mais toujours roumain. Enfin je me comprends. « Why you said negro ? Why you said negro ? Why you said negro… » éructe à plusieurs reprises et dans la langue de Shakespeare notre homme en colère. Les puristes regretteront l’absence de l’auxiliaire « did » dans ce syntagme interrogatoire multiple, mais là n’est pas l’essentiel, convenons-en.

Un joueur qui se victimise?

Très vite, un attroupement se crée autour de l’homme en noir et jaune de plus en plus pâle et de notre Martin Luther King du XXIe siècle, dont la biographie force le respect. En 2013, il refuse de revêtir le futur maillot de Newcastle en raison du nouveau sponsor de l’équipe « Wonga », une société de crédit, car la charia interdit l’emprunt à crédit. En 2014, il met en vente aux enchères son maillot de Chelsea pour financer le… CCIF (Collectif contre l’islamophobie en France) récemment dissous en raison de son engagement humaniste au service de l’esprit des Lumières. Avec un pote footballeur grand amateur de quenelle et Raymond Domenechophobe, il apporte aussi un soutien financier à l’association Urgences panafricanistes créé par Kémi Seba, un activiste anticolonialiste condamné à plusieurs reprises pour antisémitisme.

Notre indigné en short, qui confesse ne pas être Charlie, se distingue aussi sur Twitter, où il semble préférer le prophète (qu’il cite souvent) au football, relaie les tweets d’une autre association humaniste récemment dissoute (Barakacity) après la décapitation de Samuel Paty et se félicite de la libération de son fondateur Idriss Sihamedi, un autre amoureux du genre humain qui refuse de serrer la main aux femmes, légitime la polygamie ou a quelques pudeurs de gazelles quand il s’agit de condamner Daech. Entre deux vidéos d’Erdogan lisant le Coran, il retweete Rokhaya Diallo, « balance » Zineb El Rhazoui et… bon bah on va s’arrêter là, parce je me rends compte qu’on s’éloigne du match.

Lequel ne reprend toujours pas.

Autour des arbitres, il y a désormais 22 indignés à crampons, voire plus si affinités, qui demandent des comptes. Des hommes d’exception, dont le quotidien sur les pelouses pour beaucoup d’entre eux consiste souvent, très souvent, trop souvent à tricher, simuler, tirer le maillot, tacler par derrière, invectiver l’arbitre, lancer des « fils de p… » et des insultes homophobes à tire-larigot voire même pour certains à cracher sur l’adversaire en loucedé.

Dans la meute, on trouve par exemple un Brésilien avec les pieds en or mais le reste qui sonne désespérément creux, accusé par le fisc espagnol d’avoir fraudé pour 35 millions d’euros, et pourfendeur du racisme à géométrie (très) variable: en septembre 2020 au terme d’une rencontre mouvementée face à l’OM, il accuse un adversaire argentin d’avoir proféré des insultes racistes à son égard… quelques minutes après avoir lui-même traité de « chinois de merde » un joueur japonais de l’autre camp. En première ligne aussi un champion du monde français particulièrement sélectif sur Twitter, sauf quand il s’agit de dénoncer les violences policières en citant Diam’s, une philosophe franco-chypriote exilée en Arabie Saoudite. 

RMC Sport, remboursez!

Pendant ce temps sur RMC Sport, la chaîne qui diffuse en direct la rencontre, la demi-douzaine de consultants présents dans les tribunes stérilisées du Parc des Princes surjoue l’indignation. Un grand numéro de vierges effarouchées où chacun semble faire un concours de celui qui a la plus grosse… conscience morale. Sur la pelouse, un journaliste apporte une précision bien dérisoire : l’arbitre roumain a dit « le noir » et non pas « le nègre », noir se disant negru dans les Carpates. Peu importe, sus au racisme et au raciste. L’arbitre roumain. Nos indignés encravatés chassent en meute et continuent à nous bourrer le mou. Un des commentateurs croit même important de nous rappeler que le racisme est un crime contre l’humanité. Ne surtout pas penser qu’un homme en noir (et jaune) qui, dans le feu de l’action, évoque nommément un noir, cela ne casse pas trois pattes à un Neymar.

Outragé, brisé, martyrisé, le club turc est rentré au vestiaire. Un club détenu par des proches de l’AKP, le parti islamiste d’Erdogan, hostile à l’homosexualité, à la contraception, à l’avortement, les femmes étant encouragé à tenir « leur rôle de mère », avec un voile sur la tête tant qu’à faire. Un club qui a des principes donc. La rencontre ne reprendra pas.

Islamiste, sexiste et homophobe – pardons pour le pléonasme –  le président turc dénonce le racisme le soir-même sur Twitter. Le lendemain matin, son chef de la diplomatie évoque un crime contre l’humanité. Bienvenue en 2020. La morale de toute cette histoire, c’est que cette noble cause est entre de bonnes mains. Et qu’apparemment, elle écrase toutes les autres. Comme le disait encore Gainsbourg : « Je voudrais que la terre s’arrête pour descendre. »

 

La faute du 4e arbitre n’est pas celle que l’on croit…


Commençons par les faits : mardi 8 décembre avait lieu un match de football dans le cadre de la Ligue des champions entre le Paris-Saint-Germain et l’Istanbul Basaksehir. Ce match était arbitré par quatre arbitres roumains : un arbitre central, deux arbitres de touche et un quatrième arbitre sur le bord du terrain. Les contacts entre les joueurs en début de rencontre étaient rudes. L’arbitre central siffla plusieurs fautes. Le staff technique de l’équipe turque s’agaça alors de la sévérité de l’arbitre à l’égard de leurs joueurs.

Jugeant l’entraîneur adjoint de l’équipe turque trop véhément, le quatrième arbitre appela l’arbitre de champ à intervenir. Jusqu’ici, rien de plus classique pour un match de football. L’arbitre central est habilité à adresser des avertissements verbaux aux joueurs et au personnel technique sur le bord du terrain, il peut même leur adresser un carton jaune, voire les exclure d’un carton rouge.

Quiproquo autour du mot « negru »

L’objet de la polémique se situe donc uniquement dans les termes employés par le quatrième arbitre pour inciter l’arbitre de champ à intervenir : « C’est le Noir [negru, en roumain] ici. Va voir et identifie-le. Ce gars, le Noir », d’après la traduction de l’Agence France-Presse (AFP).

Des membres de l’équipe technique turque entendirent « negro » au lieu de « negru » et crièrent au racisme. Une enquête est en cours pour déterminer exactement les faits. D’après les rapports de divers journalistes présents sur place, l’arbitre incriminé aurait expliqué qu’il avait dit « negru » en roumain et non pas « negro ». Il aurait alors refusé de s’excuser.

 Les joueurs et dirigeants des deux équipes ont été divisés sur la démarche à tenir : reprendre le match avec un autre quatrième arbitre, revenir sur le terrain en se tenant la main en signe de lutte contre le racisme, arrêter définitivement le match… Finalement, c’est cette dernière option qui a prévalu. Depuis, de nombreuses personnalités, proches ou éloignées du monde du football, se félicitent de cet acte fondateur pour la lutte contre le racisme dans le football.

Il se trouve qu’en plus d’être sociologue, je suis fan de football, aussi bien en tant que joueur que spectateur. C’est un monde qui m’est familier. C’est important de le préciser car les commentateurs d’une sphère qui leur est inconnue ont tendance à faire des projections et à ne pas contextualiser ce qu’ils commentent.

L’erreur du quatrième arbitre est une faute professionnelle. Si le quatrième arbitre dit à l’arbitre central « identifie-le », c’est précisément qu’il n’a pas identifié l’entraîneur adjoint de l’équipe turque. Or il ne s’agit pas ici d’une rencontre amateur entre deux équipes de village, mais d’une rencontre professionnelle de premier plan, confiée à des arbitres triés sur le volet : ils sont censés être parmi les meilleurs de leur profession. Par professionnalisme, le quatrième arbitre aurait dû préparer le match (à l’aide d’un trombinoscope par exemple) pour être capable d’identifier tous les acteurs, aussi bien les joueurs titulaires que les remplaçants et les membres de l’encadrement.

Comment désigner quelqu’un dans le feu de l’action ? On peut le pointer du doigt, ce qui n’est pas poli mais efficace. On peut aussi le décrire à partir d’un trait caractéristique visible pour que son interlocuteur l’identifie facilement

A défaut d’identification, le quatrième arbitre désigna l’entraîneur adjoint par sa couleur de peau. Il se trouve que cet adjoint est camerounais et noir. Comment désigner quelqu’un dans le feu de l’action ? On peut le pointer du doigt, ce qui n’est pas poli mais efficace. On peut aussi le décrire à partir d’un trait caractéristique visible pour que son interlocuteur l’identifie facilement. Il faut donc citer un trait caractéristique distinctif par rapport aux autres personnes présentes autour. On peut trouver cela maladroit et regrettable que le quatrième arbitre ait désigné l’entraîneur adjoint en utilisant sa couleur de peau, mais, objectivement, la couleur de peau d’une personne est l’une des premières choses qui saute aux yeux. C’est donc un trait utile pour une communication efficace dans ce type de contexte.

Certains persistent à y voir du racisme

J’ai beau écouter et lire les propos de toutes les personnes qui s’érigent sur leurs grands chevaux depuis ce fameux incident, je ne vois pas où il y aurait du racisme là-dedans. En revanche, la colère sur le coup des personnes dans le stade qui ont cru entendre « negro » est compréhensible. L’immense majorité d’entre elles ignoraient vraisemblablement comment on disait noir en roumain. Mais ils auraient pu se calmer une fois le malentendu linguistique dissipé.

Leur argument pour persister à voir du racisme dans cette affaire est d’affirmer que le quatrième arbitre n’aurait jamais mis en avant la couleur de peau de l’entraîneur adjoint si celui-ci avait été blanc. Tout est une question de distinction. Si l’équipe en question n’était pas turque, mais camerounaise par exemple et que presque tous les membres de l’équipe sur le bord du terrain avaient été noirs, le quatrième arbitre aurait pu désigner l’adjoint comme « blanc » pour que l’arbitre central le repère facilement. De même, qu’il aurait pu dire « le grand », « le roux », « celui aux cheveux longs », etc.

Ce n’est pas forcément agréable d’être désigné et réduit à un seul trait, mais les arbitres parlaient entre eux. Ils ne s’adressaient pas directement à l’entraîneur adjoint. En outre, ce qui aurait réellement pu être offensant, c’eût été d’employer un terme péjoratif : « le nègre », « le crétin », « la tarlouze », etc.

L’essentialisation omniprésente dans le football

S’il y a un domaine où l’essentialisation règne en maître, c’est bien le football. Quand je jouais en club à Boulogne-Billancourt (92), dans les années 1990, mes coéquipiers m’appelaient parfois « le blanc » ou « le Français », voire pour l’un d’entre eux « le riche » car il m’avait demandé la profession de mes parents et en avait déduit que les miens étaient plus riches que les siens. Il était vrai que j’étais quasi le seul blanc de l’équipe. En revanche, je crois que 99 % de mes co-équipiers étaient eux aussi Français.

Quand j’ai joué au foot au Pérou, on m’appelait « le maigrichon » (El Flaquito). D’autres étaient surnommés « le gros » et chacun y voyait des surnoms ; personne ne portait alors plainte pour grossophobie. Le surnom d’un ancien joueur du PSG, Javier Pastore, était « El flaco », ce qui signifie le maigre. Les journalistes français le désignaient parfois ainsi et personne à ma connaissance n’a porté plainte contre ces journalistes pour racisme anti-maigres.

À lire aussi, Franck Crudo : PSG – Istanbul Basaksehir, un match engagé

Il est donc cocasse que ce soit le milieu du football qui s’offusque aujourd’hui qu’une personne en ait désigné une autre par sa couleur de peau dans un contexte très précis. D’autant que dans le monde du football, comme plus généralement dans la culture populaire, ce sont souvent les non-blancs qui désignent les non-blancs par leur couleur de peau ou bien leurs origines. Personnellement, je n’ai jamais appelé un de mes coéquipiers « le renoi » ou « l’arabe » mais eux le faisaient souvent entre eux. De plus, ce qui pourrait passer pour des insultes vu de l’extérieur prenait un tour amical et affectueux. Certains coéquipiers d’origine maghrébine ou d’Afrique noire se lançaient entre eux des « sale arabe ! » pour rigoler ou bien parce que les insultes servaient de ponctuation.

Du racisme dans le foot ?

Mon fils, alors âgé de 5 ans, avait assisté dans les années 2010 à un match amateur auquel je participais. Il avait commencé à compter le nombre d’insultes proférés entre joueurs mais n’avait vite plus eu assez de doigts pour compter. J’avais dû lui expliquer que « fils de p… » était bien évidemment une insulte, mais que, paradoxalement, dans certains contextes et milieux, c’était plus une interjection qu’autre chose : tout dépendait du ton et du degré amical de la relation des gens qui s’envoyaient ces mots doux à la figure.

Il y a du racisme dans le football. Mais sans doute moins que dans la plupart des milieux professionnels qui s’offusquent du racisme dans le football. D’ailleurs, le racisme dans le sport se situe peu sur le terrain, essentiellement dans les tribunes. S’il y avait des matchs à arrêter, ce serait précisément quand des spectateurs jettent des bananes sur le terrain ou poussent des cris de singe. Cela me semble bien plus grave que de désigner une personne non identifiée par sa couleur de peau.

Il me semble qu’il y a suffisamment de racisme dans le monde pour ne pas avoir besoin d’en voir là où il y a une « simple » faute professionnelle. Comment disait Camus déjà ? « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. »




 

 

 

 

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