Voyage dans la galaxie Mitterand et les souvenirs de viol se ramassent à la pelle PAR j;p; bRIGHELLI.

 L faut bien admettre que le dernier Président de la Vᵉ République fut François Mitterrand. Sa stature pharaonique malgré sa taille modeste, sa brutalité byzantine, son goût des livres et du secret, sa parfaite connaissance de la province chardonnienne et de ses paysages désolés, son autorité naturelle comme si l’Élysée lui était dû et que nous étions ses sujets redevables à vie, son appétit pour les belles femmes et les oiseaux protégés, sa fidélité corrosive et ses manières de prince vénitien le plaçaient hors-catégorie, dans une galaxie à part.

Stratégie et talent

Après lui, nous n’avons connu que des ébauches, des personnages en pointillé n’incarnant pas totalement le rôle et la mission d’un Président élu au suffrage universel direct. Mitterrand, sur le modèle gaullien, a fait du romanesque, le squelette de son ascension politique. Il a écrit une fable, s’arrangeant avec la vérité et les faits, brusquant le réel, le tordant afin qu’il entre dans ses rêves d’adolescent.

Les idées sont accessoires dans une démocratie, les débats trop ennuyeux, les journalistes idiots, les militants un mal nécessaire, l’argent un moyen comme un autre dans cette quête absolue du pouvoir, le seul être qui compte demeure l’électeur, cet anonyme dans la foule. C’est vers lui que l’énergie et la persuasion sont orientées, c’est pour lui que la stratégie et le talent se mettent en action. On lui raconte n’importe quoi et il le sait pertinemment. Une élection est un jeu de séduction, de dupes aussi, il faut être deux pour y participer.

 

 

Notre chroniqueur régulier Thomas Morales vient de sortir un beau recueil, Ma dernière séance, dédié à trois légendes du cinéma hexagonal.


Le temps est propice à la nostalgie – comme il l’est toujours, avec Thomas Morales. Face à un présent déprimant, rien de mieux que de revenir aux vieilles gloires, de se réfugier dans les valeurs sûres, et de s’emmitoufler dans ce qu’on connaît par cœur, comme d’un plaid en laine dans une maison mal chauffée. Le plaid salvateur de Thomas Morales, c’est une collection de films de notre cinéma national, quand il pouvait encore se dire comique et populaire. Cette année, pour avoir la force de passer l’hiver, notre auteur nous offre Ma dernière séance, un beau recueil de chroniques dédié à trois légendes : Marielle, Broca, Belmondo. Du « temps béni des égéries masculines », riche de « notions aujourd’hui bannies : l’audace, le bon mot, l’ironie amusée, les amours ancillaires et le désengagement vindicatif ».

Un hommage superbe à Jean-Pierre Marielle

Les lecteurs assidus de Causeur auront le bonheur d’y relire l’hommage superbe à Jean-Pierre Marielle que Morales avait publié dans nos colonnes en forme de série d’été après sa mort en 2019, accompagné de sa filmographie complète ; probablement un des plus beaux hommages écrits par Morales (qui n’en est pourtant pas avare), dont le style virevoltant est plein d’une affection ancienne pour l’acteur qui « catapultait les cons dans la stratosphère ».

« Marielle n’était pas un Français moyen comme on l’a souvent chroniqué, ou alors d’une moyenne puissance mille, d’une moyenne exponentielle, d’une moyenne épique. Chacun de ses gestes, cette attitude féroce et tendre, ce détachement face à une réalité trop laide, le plaçait hors concours, hors gabarit. » Dans la « pâtisserie de province », sublimant le « fornicateur des zones pavillonnaires », Marielle incarne l’insouciance française sauce Trente Glorieuses ; « convaincu que les temps funestes voileront bientôt l’horizon, alors jouissons, trinquons et égarons-nous dans la moiteur d’une touffe indisciplinée ».

Les scènes défilent, Morales va-et-vient entre le présent et le défilé coloré de personnages flamboyants, au premier degré magnifique, sans mauvaise conscience et sans discours moralisateur (les deux allant de pair). Le contraste est la rançon de la nostalgie. Morales est un virtuose du rocking-chair : confortablement installé, il se balance d’avant en arrière, du doux à l’amer, jusqu’à l’étourdissement tranquille et le serrement de cœur. 



Elle secoue notre mémoire comme une bouteille d’Orangina à la fête du village du 15 août.

Les souvenirs de viol se ramassent à la pelle

Après Richard Berry, accusé par sa fille, voici PPDA, violeur d’une ex-groupie. Le Parisien, jamais en retard d’un récit libidineux, narre dans le détail l’accusation à laquelle l’ex-présentateur de TF1 doit répondre. Que son accusatrice ait elle aussi un livre sur le gaz n’a bien entendu aucun rapport avec le soulagement soudain de sa conscience.

Tout remonte à l’automne 2004. Une étudiante ambitieuse écrit une lettre à PPDA, dont elle admire les romans, ce qui témoigne d’un goût littéraire très sûr, et y joint des extraits de ses œuvres à venir. Le présentateur finit par lui répondre, l’appelle tard le soir, et lui demande (dit-elle) si elle a un copain, et combien de fois elle se masturbe par jour ou par semaine. Des questions bien innocentes posées à 11 heures du soir, et qui ne mettent pas du tout la puce à l’oreille — ni ailleurs. C’est donc en toute innocence, figurez-vous, qu’elle se rend au rendez-vous que lui fixe un homme connu pour sa séduction, et de fil en aiguille… « J’étais vierge », déclare-t-elle. Sans doute, comme toutes les pucelles, entendait-elle le rester, c’est même pour ça qu’elle était là. « Florence Porcel affirme n’être pas parvenue à s’enfuir sous l’effet de la surprise et de la sidération, mais soutient que sa panique était clairement perceptible et qu’elle a émis des cris de douleur », écrivent Jean-Michel Décugis et Jérémie Pham-Lê. Oui, il est assez rare que ça passe comme une lettre à la poste.

« A l’époque, l’étudiante n’aurait pas pris conscience qu’elle venait de subir un viol », continuent nos duettistes. L’idée ne lui en est venue que 16 ans plus tard. Entre-temps, elle retrouve notre Don Juan en 2009, et lui taille une pipe — « non, non », dit-elle, d’autant qu’il s’agit d’une « fellation non protégée ».

C’est curieux, cette appétence soudaine pour le goût latex…

Porter plainte ? Elle y pense, dit-elle, mais y renonce, en considération du statut de star du prédateur. Elle conserve néanmoins ses messages, afin d’alimenter le roman qui vient de sortir (Pandorini, chez Jean-Claude Lattès). Un roman à clef, forcément. « Cathartique », disent les rédacteurs du Parisien, qui ont fait des études.

 

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