Slowez-moi, Quand les espagnols libéraient Paris et A l'école des Fans par Th. Morales

 SLOWEZ-MOI !

Cet été, réhabilitons le slow ! Les corps le demandent. La tête l’exige. Notre survie en dépend. C’est toute la société qui en sortira grandie. Et puis, avons-nous vraiment d’autres choix ? Toutes les formes de constructions politiques et de vivre-ensemble ont lamentablement échoué. Seul le slow a tenu ses promesses. Au soleil couchant, il s’est imposé comme la seule solution raisonnable, enviable, profitable à la cohésion des peuples opprimés. Là où le capitalisme et le communisme ont patiné dans leur incohérence, le slow a tracé (sur une plage de sable fin) une ligne claire, des objectifs précis, l’expression d’un désir partagé et promu cette fraternité entre les hommes, indispensable à leur bien-être et à leur sécurité. Revendiquons le slow comme un droit inaliénable pour tous, exigeons que le slow soit inscrit sur le fronton de nos mairies, en préambule de notre Constitution, en lettres d’or dans les manuels scolaires, parions que le slow sera l’avenir de l’Humanité. Ce rêve un peu fou que  je formule, faisons-le ensemble, cet été, dans un camping des Landes, un gîte rural des Vosges, un palace normand, une plage de Balagne ou une salle polyvalente (Pablo Neruda, Jacques Prévert, etc…) de banlieue.

Croire dans les vertus du slow, c’est imaginer qu’un homme puisse inviter une femme à danser sans craindre les poursuites des tribunaux moraux, sans bafouer un siècle de féminisme, sans être traité de phallocrates, sans insulter les religions, sans idéaliser l’Amour, sans penser au lendemain. Juste partager trois minutes de bonheur, voire plus si affinités. Vivre cet instant avec tout ce qu’il a de raté, de dérisoire, d’incandescent, de fondateur, de drôle, d’émouvant et de mystérieux. Indignons-nous que le slow disparaisse de l’horizon de nos vacances comme les cartes postales érotiques, les bobs Ricard, les romans de Daphne du Maurier et d’Alberto Moravia, les sagas télé où apparaissaient Mireille Darc et Elisa Servier, actrices balnéaires au sex-appeal brûlant et les Méhari jaune citron sur les chemins côtiers. Allons encore plus loin, redonnons au quart d’heure américain son aura révolutionnaire, son amateurisme coincé et son implacable dramaturgie. Le slow a prouvé par son œuvre pacificatrice qu’il était apte à gérer nos conflits, à apaiser nos rancœurs et à entrouvrir les portes d’un monde meilleur. Osons le slow ! N’ayons pas peur de nos gestes malhabiles, de nos hésitations, de notre manque d’inspiration, soyons nous-mêmes. Tout à l’heure, nous avions la répartie foudroyante, le trait d’esprit charmeur, mais là, les mains sur vos hanches, nous bafouillons, nous sommes d’un seul coup moins sûr de notre irrésistible ascendant. C’est qu’avec le slow, nous nous confrontons au réel, à ses merveilles d’espoir et à ses abyssales désillusions. Nous ne sommes plus planqués derrière un écran, un pseudo, le contact n’est plus virtuel, vous êtes là, tout près et parfois si loin. Alors remettez le slow dans votre playlist de l’été, lui seul, peut nous sauver.

QUAND LES ESPAGNOLS LIBÉRAIENT PARIS ! 

u t’appelais Fermín, Manuel, Germán, Faustino, Luis, Daniel, Victor, Rafael,…

Tu étais « rouge », « anar », « syndicaliste », épris de liberté, généreux et désintéressé

Tu venais d’Aragon, d’Estrémadure, de Galice, d’Andalousie, des Asturies, …

Avec tes cheveux en pagaille et ton œil noir, tu avais pleuré un soir devant Saragosse

Le sang espagnol avait beaucoup coulé cette année-là

Tu avais fui ta République chérie, ton Pays aimé, ta colonne Durutti, tu avais tout perdu jusqu’à ton honneur, ton dernier éclair d’humanité

On avait confisqué ta victoire, sali ta mémoire, souillé tes espérances

Tu avais le cœur en miettes, la rage intacte et la farouche envie d’en découdre,

Tu avais vu la bête immonde au plus près, tu l’avais vue t’encercler, t’anéantir dans son dessein funeste

Dans l’infamie des camps, dans ces baraquements de fortune transpercés par le froid des Pyrénées-Orientales, tu avais souffert de ces indignes officiers français, de leurs coups et de leur haine.

 

À Dachau, les autres avaient le même regard froid et satisfait

Pour eux, toi et les tiens n’étiez qu’une engeance à éradiquer

Puis un jour, le grand Antonio Machado est mort à Collioure, c’était un peu de ton âme qu’on arrachait

Toi, le combattant déchu, tu n’avais qu’un désir ardent, repartir au combat, mourir pour tes idées

Tu avais fini par rejoindre la France Libre, ces autres officiers avaient la même flamme que toi dans leurs yeux, vous apparteniez à cette race d’Hommes qui n’abdique jamais

En Angleterre, avant de le Débarquement, on t’avait encore regardé comme une curiosité, certains doutaient même de ta discipline, on disait que tu étais antimilitariste, c’était vrai, tu étais libre, terriblement libre

Mais, tu avais reçu en partage la confiance de Dronne et de Leclerc, ils avaient reconnu en toi, ce guerrier noble, ce chevalier qui ne recule jamais, cet Homme debout

Alors, tu as libéré Paris au son de Guadalajara, Ebro, Belchite, Guernica, Madrid,…

Jusqu’au nid d’aigle, tu as été l’honneur d’une Nation, d’un Continent

Tu pensais retrouver ton Espagne, la libérer elle aussi, mais les vainqueurs de l’Histoire en avaient décidé autrement;

Blessé une seconde foi, un immense chagrin a fini par t’emporter

Bien longtemps après, personne ne connaissait tes exploits, ta droiture, ton courage, ta bonté, ta folie aussi,

On faisait comme si tu n’avais pas existé, on pillait même ta mémoire

Soldat de la Nueve, nous ne t’oublions pas, ton désespoir, ta nature tempétueuse, tes élans de générosité, nous les chérissons.

À lire sur ce sujet : La Nueve 24 août 1944 – Ces républicains espagnols qui ont libéré Paris – de Evelyn Mesquida – Le Cherche Midi

À l'ÉCOLE DES FANS !  

L’angoisse monte. Demain matin, le réveil sonnera. Écolier ou salarié, vous n’échapperez pas au destin tragique de la reprise. Les symptômes sont connus : de la boule au ventre à l’envie de disparaître, de tout plaquer, de vous retrouver, seul, dans cette crique, loin des affreux, du monde « civilisé », des professeurs, des chefs, des empêcheurs de respirer, etc… Comme le disait le fataliste président Chirac, les emmerdes volent toujours en escadrille surtout à la fin de l’été où impôts, taxes, directives et injonctions nous encerclent. Nous sommes pris dans la nasse. Pas la peine de gesticuler, il faut se soumettre, abdiquer, la fermer et reprendre le chemin du travail ou du lycée en rêvant aux prochaines hypothétiques vacances.

 

 

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