Quand les punaises de lit s'invitent dans le vide politique et Ça c'est Paris ! par Th. Morales

 

Et Mathilde Panot (LFI), mimant Colin Powell exhibant sa fiole d’anthrax irakien devant l’Onu en 2003, sortit son flacon… de punaises de lit ! 

La scène, ridicule, s’est déroulée mardi devant une Assemblée nationale léthargique. La théâtralisation d’une nouvelle peur collective, prétexte à d’autres intrusions de l’État dans la sphère privée, illustre le vide intellectuel qui a gagné le monde politique. Incapable de répondre aux innombrables défis contemporains, il croit mimer sa proximité avec le réel en sur-jouant la panique sanitaire et hygiéniste. Emmanuel Macron avait ouvert le feu en déclarant (six fois) la France « en guerre » contre le Covid. Désormais les punaises de lit, conséquences d’une société ouverte, s’annoncent comme une opportunité pour relancer l’usine à gaz des normes, des interdits et des chapelets moralisateurs

Pour avoir demandé, sur CNews, si l’immigration pouvait jouer un rôle dans cette prolifération de bestioles, Pascal Praud a été accusé de racisme par la gauche pavlovienne. Cette dernière est comparable, dans sa vacuité, au « couteau de Lichtenberg », cet instrument sans lame auquel il ne manque que le manche. « Les petits insectes répandent le désespoir dans notre pays » a déclamé la députée LFI en rendant Elisabeth Borne coupable de ce scandale sanitaire. Dans l’hystérisation bêtifiante, le parti présidentiel, « Renaissance! », n’est pas en reste : le député Sylvain Maillard a promis une « loi transpartisane » réservée à « l’arc républicain », c’est-à-dire excluant LFI et le RN…

Dans la hiérarchie des priorités politiques, les désagréables punaises de lit devraient évidemment s’effacer devant l’épuration ethnique des chrétiens arméniens, l’emprise inflationniste de la paupérisation sur les ménages français, la fracturation de la société sous l’effet d’un séparatisme islamiste, etc. Or ces enjeux civilisationnels restent sans réponse, faute de réflexions de la part d’une classe politique qui ne produit plus d’idées neuves. Dans son dernier essai (1), Jean-Pierre Jouyet, symbole de la plus haute fonction publique, a le mérite de reconnaître la responsabilité des «  élites » dans le somnambulisme d’État. Alors secrétaire général de l’Élysée, il assure : « En trois ans, jamais la réforme de l’État en tant que telle n’a été abordée. Pas une proposition de loi, pas une mention (…) La réforme, aux yeux de l’écrasante majorité des responsables politiques, ce n’est pas un travail de fond, mais une manière de communiquer au gré de l’actualité (…) Les présidents préfèrent les réformes sociétales à celles qui touchent l’organisation de l’État ». Conséquence de cet immobilisme : le train de vie de l’État est parmi les plus élevés au monde. Le gouvernement Borne se révèle être, selon Jouyet, le plus cher de l’histoire de la Ve République, avec 565 conseillers et 2822 personnes au total. La traque aux punaises devrait être politiquement anecdotique. La vraie chasse à mener devrait être contre l’invasion technocratique. Mais, punaise, qui osera ? 

 

Après « Paris 1900 » et « Paris romantique », le Petit Palais accueille le dernier volet de sa trilogie : « Le Paris de la Modernité » (1905 – 1925), la plus belle exposition de la capitale en ce début d’année 2024


Se rendre au musée fait désormais partie des dix commandements du Parisien de souche ou du touriste perdu, une obligation autant éducative qu’une soumission patrimoniale à l’Art. Alors parfois, sans volonté propre, poussé par la muséographie galopante de la ville lumière et la peur de rater un événement, de « ne pas en être », d’être déclassé culturellement en somme, le visiteur ère entre Orsay et Le Louvre, confond Van Gogh et Berthe Morisot, pousse sa promenade dominicale jusqu’à Marmottan, s’impatiente de la réouverture du musée Delacroix et se félicite que l’on puisse encore admirer le scaphandre des frères Carmagnolle de 1882 au Musée de la Marine, tout là-haut, au Trocadéro. La vie culturelle de notre époque impose ses péages, ses parcours balisés, ses grandes œuvres à admirer, son appareil critique à adouber et ses expositions toujours plus emphatiques, notre nouveau bloc de constitutionnalité. Les chiffres de fréquentation donnent raison aux administrateurs et aux conservateurs, le Louvre a connu des records d’affluence avec 8,9 millions de visiteurs en 2023 et Orsay avec 3,9 millions est le paradis des tour-opérateurs. La Ligue des Champions peut trembler. Bientôt, il y aura plus de spectateurs devant Les Raboteurs de parquet que sur la pelouse du Parc des Princes, Caillebotte a enfin stoppé Ancelotti à domicile. Non, toutes les expos de la capitale ne se valent pas. Il y a parfois de l’arnaque dans l’air, des sujets fumeux, des coups de com’, du remplissage à la va-vite avec des pièces d’intérêt discutable, des anniversaires forcés, une médiocrité intellectuelle dans les commentaires, des accrochages artificiels et peu soignés ; le marketing culturel a les moyens de vous faire sortir de votre lit ! Car son magistère pèse lourd sur les bonnes consciences. Il est inattaquable, au-dessus des partis, plus puissant que la Démocratie, plus intimidant que l’expression des peuples. L’Art est ce nouveau totem indépassable qui dispose de tous les droits, en son nom, tout est permis, même de vous soutirer une quinzaine d’euros pour trois peintures et une sculpture de guingois, un discours victimaire repentant et une ordalie accablante. Mais, fort heureusement, il existe aussi des lieux riches par la profusion et la variété des objets présentés, le cheminement intelligent, l’absence de cloison, l’union libre entre le chevalet et l’établi, la fenêtre historique panoramique (avant, pendant et après la Première Guerre mondiale), tout simplement la beauté d’un projet bien pensé et orchestré, qui saisit, dès la première salle, par son brio et sa sincérité, son élan et son empreinte. « Le Paris de la Modernité » (1905-1925) au Petit Palais jusqu’au 14 avril est, sans conteste, la plus belle exposition de Paris qui vous amènera de Montmartre à Montparnasse, de la ruche aux diadèmes de Cartier, du manifeste du Futurisme à la Tour Eiffel illuminée aux couleurs des chevrons Citroën, des tranchées à l’exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, du fauvisme à l’Ours blanc de François Pompon, de la Belle Époque aux Années folles. Après deux heures passées dans le tourbillon de ce premier quart du XXème siècle, vous serez secoué par tant de virtuosité et indisposé par l’actualité culturelle du moment, ravagé par l’omniprésence des faiseurs et des bonimenteurs, des fausses valeurs et des aigrefins du marché, toute cette faune qui vit sur la bête, des galeries aux institutions, et dicte les cadres dirigistes de la création. 

C’est à l’aune de ces vingt années tempétueuses, terribles et fascinantes, entre 1905 et 1925, que vous comprendrez l’aphasie et la morale puérile de nos temps si sourcilleux, complètement inaptes, incapables de saisir l’expression artistique, sa liberté et sa geste révolutionnaire, son scandale immanent. Où sont les Picasso, Marie Laurencin, Man Ray, Paul Poiret, Nijinski, Modigliani, Apollinaire, Jacques-Emile Ruhlmann, Fernand Léger, Diaghilev et autres dadaïstes du XXIème siècle ? Pour vous inciter à vous rendre au Petit Palais, je n’emploierai pas les mots et les préceptes en vogue, la place sous-évaluée des femmes dans l’Histoire de l’art, le multiculturalisme émancipateur et les minorités opprimées. Je vous parlerai seulement des œuvres et de leur onde démiurgique, quelques instantanés que mon œil a accrochés, pour le plaisir des lignes, pour leur impudeur, pour leur provocante inspiration. En vrac et en frac : les garçonnes charnues, ces madones extatiques peintes par Tamara de Lempicka, une toile intitulée « Et le soleil s’endormit sur l’Adriatique » exécutée par Lolo l’Âne sous l’œil rieur de Roland Dorgelès et de la chanteuse de cabaret Coccinelle, une montre-bracelet Tank, une automobile Peugeot Type BP1 dite « Bébé Peugeot », ludique torpédo de 1913, Joséphine Baker stylisée par van Dongen, le Christ rédempteur de Paul Landowski et même l’Hommage à Blériot de Delaunay.

 

 

 

 

Commentaires